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lundi 3 novembre 2008

Lettre à la Ministre de l'Éducation (si on veut...)

Tout dernièrement, je lisais un peu partout ce branle-bas de combat pour sauver ces pauvres enseignants qui abandonnent avant même d'avoir complété cinq ans d'enseignement. En pleine pénurie d'enseignants, on se demande pourquoi quelqu'un voudrait abandonner un emploi si plein d'avenir. On tente d'enrayer le phénomène avec des forums de discussion pour enseignants, avec des millions investis dont personne sur le terrain ne verra les impacts, on essaie d'expliquer le phénomène : des classes surchargées, un emploi peu valorisé, des enseignants sans expérience laissés à eux-mêmes dans les jungles des écoles,... Vous êtes tous, pardonnez l'expression, "dans le champ".

Ce n'est pas les classes surchargées pleines d'enfants aux prises avec des difficultés diverses, tant au plan des apprentissages qu'au plan comportemental, qui font abandonner les jeunes enseignants. Certes, cela peut parfois être un argument de plus dans leur décision. L'instauration de forums de discussion et de mentorat peut peut-être aider ces enseignants dépassés par certains évènements, mais ne nous cachons pas la tête sous le sable. Les enseignants aux prises avec ce genre de problématiques n'ont pas le temps d'aller s'épancher sur des forums. Ils travaillent dans leur classe et le soir à la maison, délaissant la vie de famille, pour tenter de trouver ce qui fera en sorte que tel élève finira par comprendre telle notion, chercher à savoir ce qui viendra chercher cet élève blasé qu'on n'arrive pas à rejoindre... Non, même si cela est une véritable problématique dans l'enseignement, ce fait fait plutôt décrocher les élèves forts et moyens que les enseignants, les enfants se sentant délaissés au profit d'élèves qui retardent le groupe. L'enseignant, lui, a l'impression de pénaliser la majorité de sa classe, empêchant les élèves désireux de le faire d'apprendre au profit d'enfants qui ne devraient pas être dans sa classe...

D'autres arguent que c'est le manque de valorisation de la profession qui incite les jeunes enseignants à abandonner. Il faut avouer que de voir débouler certains parents dans nos classes pour nous dire comment nous devrions enseigner est déplaisant, personne n'irait faire cela chez le plombier ou le comptable; de voir notre profession salie sans cesse dans les journaux par des journalistes n'ayant pas toujours pris la peine de vérifier l'histoire auprès de tous les protagonistes, se contentant de la version des faits de parents outrés est insultant. Mais, malgré cela, ce n'est pas la raison principale du décrochage des jeunes profs. On a eu le temps de faire un bac de quatre ans pour découvrir tout ça et se demander si on pouvait vivre avec ça. Il est vrai qu'il est épuisant de devoir justifier notre salaire, que deux mois l'été, ce n'est pas des vacances quand tu n'es pas payé mais que les comptes continuent de se montrer le bout du nez, etc. C'est quelque chose avec lequel nous pouvons vivre.

Certains avancent même que la raison est le fait que les jeunes enseignants sont laissés à eux-mêmes dans la jungle des écoles. Partout où je suis passée, dès que j'ai demandé de l'aide, les autres enseignants de l'école m'ont toujours aidé. Ce n'est pas un milieu compétitif une école. Suffit de demander. La très grande majorité des directions font leur travail et sont disponibles pour nous aider. Internet fourmille d'endroits pour se défouler en cas de besoin, pour chercher de l'aide, pour trouver des façons différentes de faire les choses pour trouver solution à un problème que nous vivons en classe. Je ne pense sincèrement pas que cette raison soit même envisageable.

La seule et véritable raison profonde qui fait abandonner les enseignants, même si certaines des raisons précédentes confirment leur décision, c'est toute la bureaucratie qui entoure l'enseignement. On entend parler d'injections de millions de dollars en enseignement. On se dit alors qu'enfin, on va avoir des dictionnaires (la base!!!) datant d'avant 1980 dans nos classes, qu'on va pouvoir acheter du matériel didactique vivant pour nos élèves... pour finalement se faire dire que notre classe obtient 100$ pour l'achat de matériel. Que voulez-vous faire avec 100$ dans une classe de plus de vingt enfants? L'argent s'est perdu dans les méandres administratifs : études sur les besoins des profs, analyses de ces études, mise en place du budget, etc. Il ne reste alors pas grand chose pour le terrain. C'est démotivant.
Cette bureaucratie qui fait en sorte que nous n'avons accès qu'à avoir le droit d'obtenir un poste qu'après plusieurs annés, sans même savoir si nous aurons un poste par la suite. Car voyez-vous, nous devons avoir trois contrats qui comptent (car certains ne comptent pas...) en dedans de quatre ans, il ne faut donc pas ne pas recevoir de contrats pendant plus d'un an, sinon tout est à recommencer.
C'est simple, l'idée d'avoir un poste un jour dans une école nous semble de plus en plus loin plus les années passent, alors qu'on devrait s'en approcher avec les années.


Vous voulez contrer l'abandon des enseignants? Offrez-leur une permanence dans un délai raisonnable. La sécurité d'emploi, c'est important. Avoir l'impression que notre vie, notre carrière, dépend d'un appel téléphonique pour faire assez de suppléance pour être assez connue quelque part pour espérer qu'on pense à nous pour un contrat, puis un autre et enfin un troisième, pour penser espérer avoir un poste un jour... C'est ridicule. Personne n'accepterait de travailler pour un employeur pendant 10 ans sur appel, temporaire, avec la promesse floue et jamais confirmée d'un jour avoir sa permanence. Personne.






Une enseignante qui aime enseigner, mais envisage d'aller voir ailleurs si l'emploi y est plus vert...

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Mme Prof,

juste quelques mots pour te dire que je te comprends. Moi aussi, j'ai passé par là. J'ai attendu le téléphone et même pleuré dans mon bain à plusieurs reprises. Le monde de la suppléance est ingrat. J'ai eu envie de crier souvent à l'injustice. Heureusement, mon histoire s'est bien terminée. Après cinq ans, j'ai eu ma première vraie classe. Cependant,je garde un mauvais souvenir de cette période de ma vie.

Courage! Continue ton beau travail!

Une enseignante qui n'oublie pas ses débuts

Anonyme a dit…

Merci, c'est encourageant! :)

Cependant, dans mon cas, je sais que ce sera très long, puisqu'il y a peu de départs à la retraite de prévu dans les prochaines années... Mais bon, life goes on! :)

mme prof

Anonyme a dit…

Continuez de nous aider!
L'enseignement n'est pas un domaine facile pour toutes les raisons que vous avez citées précédemment. On pourrait même affirmer que c'est une vocation, mais lorsque c'est une passion et je crois que vous avez cette passion, cela peut aider à passer à travers. Je crois que pour y survivre, en tirer une satisfaction et même avoir du plaisir, oui il faut faire de son mieux, s'impliquer et être professionnelle, mais prendre le temps de savourer tout ce que l'on fait pour améliorer la vie des enfants que nous côtoyons est vital. Il ne faut pas oublier le bien que nous faisons et écrire nos bons coups parce qu'ils sont ceux que l'on passe souvent sous silence. Oui, on doit se mobiliser et protester, s'il y a lieu, mais le plus important est de focaliser sur ce que nous avons fait de bien aujourd'hui, chaque semaine, l'année dernière... En écrivant et en prenant conscience des belles choses que nous avons accomplies et du bien que nous avons fait à plusieurs enfants, c'est là que la satisfaction doit se faire sentir.
Vous avez créé ce blog qui est rempli de documents, de textes et d'activités plus intéressantes les unes que les autres. Ne nous laissez pas tomber, car vous êtes une ressource formidable. Gardez cette belle flamme qui vous a animés et pensez au bien que vous procurez aux petits mousses et aux profs comme nous qui vous disont merci pour votre implication et merci pour tout.

Anonyme a dit…

Merci anonyme! Votre bon mot me touche (surtout que c est ma fete). Meme si je lachais un jour lenseignement, ce qui n est pas encore le cas, je continuerais surement ici, c est quelque chose que j aime trop!

p.s. desole pour les accents, j ai un probleme avec mon ordi

mme prof

Jimmy Grenier a dit…

En feu Madame la prof! Et un portrait brossé de manière réaliste, selon ce que j'ai pu moi même constater du merveilleux monde de l'éducation. Quoique je ne sois pas trop à plaindre, ça ne m'a pris que cinq ans avant d'avoir ma permanence, mais tout de même, j'ai connu plusieurs personnes qui ont dû attendre 10, 15 et même 20 ans. De quoi faire fuir ceux qui n'ont pas cette vocation... Ou de quoi faire fuir ceux qui avaient du talent, mais qui n'avaient pas l'envie d'un emploi si peu valorisé dans notre société.

Claude a dit…

Très bon article!

Ça me laisse avec l'impression qu'au ministère de l'Éducation, la "conversation" part d'en haut et elle descend jusqu'en bas mais hélas, elle n'emprunte jamais le chemin inverse.

Il y a une crise et les bons profs n'en sont pas les responsables...

Véro a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Véro a dit…

Je suis une étudiante en deuxième année à l'université de Montréal, j'ai une passion véritable pour l'enseignement, mais je vois mes amies qui ont fini leur bacc. et je trouve ça décourageant. Dans mes cinq amies finissantes deux ont démissionné et veulent changer de carrière. Elle trouve difficile d'être dans une situation précaire et incertaine tout le temps. Plusieurs veulent fonder une famille et cela n'est pas compatible avec les années d'attente avant leur permanence. Heureusement grâce à leur détresse, j'ai entrepris dès ma première année d'école d'aller me faire connaître du milieu ou je souhaite enseigner et je fais autant de suppléance que possible. En espérant que les statistiques ouvrent les yeux du ministère puisqu'il y a 20% des enseignantes qui lâche avant d'atteindre leur permanence. Ce qui veut dire une enseignante sur cinq. Restons positive!!

Karine a dit…

Bonjour, je suis moi aussi étudiante en enseignement primaire et je voulais vous dire que je suis parfaitement d’accord avec votre opinion en ce qui concerne les désavantages de ce métier. Je me suis remise en question, plusieurs fois, sur mon choix de carrière. Je trouve ça très dommage que cette profession ne permette pas d’avoir un emploi stable, même si les gens la pratiquant ont fait plusieurs années d’étude pour y accéder. Par ailleurs, je sais que je veux travailler avec les jeunes, il faut donc faire des sacrifices. Je trouve que nos conditions de travail sont difficiles, mais j’aimerais souligner que nous ne sommes pas la seule profession à ne pas avoir un poste permanent en sortant des études. Je lève mon chapeau à tous ceux et celles qui ont persévéré pour obtenir leur poste, j’espère que j’aurai le même courage.

Karine

Anonyme a dit…

Merci de ton mot! Bonne chance dans la profession... C'est parfois ingrat, mais plus souvent qu'autrement, c'est gratifiant! :)

mme prof